jeudi 27 octobre 2011

Télé-Élysée : Sarkozy face à la polémique


Après une hypermédiatisation des primaires socialistes (à tel point que le CSA a sanctionné les grandes chaînes d'informations pour manque d'équilibre dans le temps de parole gauche/droite), l’Élysée contre-attaque ce soir avec une intervention télévisuelle de Nicolas Sarkozy en simultanée sur TF1 et France 2 à 20h15.
Les conditions de cette intervention du Président de la République suscitent une multitude de question et de réaction dans le paysage journalistico-médiatique.



En effet, et pour la première fois à la télévision, l’Élysée a désigné une société privée pour produire la totalité de l'intervention. Même TF1, pourtant habituellement accusée de faire le jeu du gouvernement, est cette fois-ci reléguée au simple rang d'observateur, de transmetteur.
C'est donc Maximal Productions, dont la proximité des dirigeants avec le chef de l’État fait déjà grincé des dents,  qui a été choisi :

"Ce qui nous choque, c'est que Maximal Productions, c'est Jérôme Bellay, qui travaille au JDD, qui appartient à 100% à Lagardère, qui était invité au Fouquet's le soir de l'élection de Nicolas Sarkozy", critique Jean-François Téaldi, délégué syndical central CGT à France Télévisions.

Autre sujet d'agacement: le choix par le chef de l’État des journalistes chargés de l’interviewer. Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", s'insurge dans sa chronique matinale sur RMC de cette vilaine habitude:
"Tout le monde sait que l'Élysée choisit ceux qui interrogent le président. Formellement, ce sont les chaînes qui avancent des noms - ou, cette fois, un producteur -, mais c'est le président qui tranche [...]"
Du coup, c'est Yves Calvi pour France 2 et Jean-Pierre Pernault pour TF1 qui s'assoeiront en face du président Français, laissant tous les journalistes un peu plus remuants au placard: Pujadas, Christophe Barbier, j'en passe et des meilleurs...

"En France, on a toujours connu ça ; mais, ailleurs en Europe, ce serait inimaginable." reprend Hervé Gattegno.
Il ne croit pas si bien dire.

Dans son blog "Immédias", Renaud Revel, rédacteur en chef de la rubrique Médias à l'Express, relate une anecdote pour le moins évocatrice lors de la visite de quelques journalistes suisses de la TSR dans les locaux du journal :

"Le journaliste est éberlué et éclate de rire quand je lui demande si le président de la Confédération suisse désigne lui-même les journalistes chargés de l’interviewer sur les antennes de la Télévision suisse romande! [...]Bienvenue en Papouasie, devinait-on dans le regard interloqué et amusé d’un confrère que les mœurs politico-audiovisuelles de notre beau pays déconcertent pour le moins."

Mais finalement, le sujet est quelque peu tabou et ces pratiques deviennent une vieille coutume locale qui ne froisse plus personne. Le journaliste termine :

"[...] notre profession se satisfait d’un conformisme qui confine à la démission. Au motif que ces pratiques d’un autre temps feraient partie de notre ADN commun, chacun évite d’aborder la question et feint d’ignorer le problème. On s’offusquerait presque quand le confrère suisse ose évoquer une « république bananière» qui voit un prince disposer à sa table les ronds de serviette de journalistes méritants…"

Pour l’Élysée, rien d'anormal dans ces pratiques. Jean-François Copé rétorquait par exemple aux journalistes suisses qui s'insurgeaient du choix d'une société privée pour produire une interview officielle du président que l’Élysée ne faisait "qu'appliquer la loi du marché".

Pour certains internautes, cette mise en lumière de Nicolas Sarkozy est un juste retour des choses :
"C’est bien le PS qui pour les primaires a choisi les chaines TV des débats, les journalistes qui poseraient les questions et … même les thèmes des questions !" explique en commentaire l'internaute LUCOS, auquel répond NESTOR :
"Votre remarque est totalement fausse. Ce sont les chaines de télé, les stations de radio et les médias écrits qui se sont proposés pour organiser ces débats. En aucun cas, le Parti socialiste n’a choisi les journalistes qui ont interrogé les participants à la primaire de gauche."

Quoi qu'il en soit, force est de constater que l’Élysée contrôle cette interview de A à Z.
Certes, le sujet sera surtout économique, Sarkozy expliquant la situation européenne actuelle aux Français. Mais ce sujet complexe laissera probablement sur le carreau bon nombre de Français qui n'y connaissent rien, à commencer par les journalistes eux-mêmes qui ne sont pas spécialisés en économie. Selon l'AFP, "Les journalistes de TF1 Jean-Pierre Pernaut et France Télévisions Yves Calvi, qui interrogeront Nicolas Sarkozy jeudi sur la crise économique dans la zone euro, sont des habitués de l'antenne sans pour autant être des spécialistes des sujets économiques."
Pas de questions pièges ou difficiles donc pour le chef de l’État. 
De plus, cette émission permettra de mettre en avant les actions positives du président Français dans la gouvernance économique et politique européenne.

Finalement, le but de cette intervention semble plus être la visibilité pour rééquilibrer le temps de parole gauche/droite dans les médias après le monopole du PS (affaire DSK, Primaires) à l'approche des présidentielles de 2012 qu'un véritable débat entre le chef de l’État et les journalistes.
Somme toute, une belle opération de communication de l’Élysée, sans piège ni accroche.

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